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Nouvelle scientifique
Le 14 juin 2017
Des formes en compétition dans les isotopes de Krypton très riches en neutrons
Une étude réalisée à RIKEN au Japon par une collaboration internationale menée par des chercheurs de l’Institut de physique nucléaire d'Orsay (IPNO, CNRS/Université Paris-Sud), de l'IRFU et de RIKEN a permis de réaliser la première spectroscopie des isotopes très riches en neutrons 98,100Kr. L’expérience a mis en évidence que deux configurations de formes différentes coexistent à basse énergie dans 98Kr mais aussi que les isotopes de cette chaîne tendent à se déformer plus progressivement lorsqu’on leur ajoute des neutrons que leurs voisins Rb, Sr et Zr qui eux basculent soudainement d’une forme à une autre à partir du 60ème neutron. Cette étude est un pas décisif vers la compréhension des limites de cette région de transition de phase quantique. Ces résultats sont publiés dans la revue Physical Review Letters [1].
Délimiter et caractériser une région de transition de forme nucléaireL’agencement des nucléons au sein d’un noyau dépend directement de l’interaction qui permet leur cohésion. Cette interaction nucléaire, manifestation de l’interaction forte, donne naissance a des phénomènes quantiques, parfois soudain, tel qu’un réarrangement spatial complet des nucléons lorsque l’on passe de 59 à 60 neutrons pour les isotopes de zirconium (Z=40) et de strontium (Z=38) notamment. Etudier et délimiter ces régions de transition soudaine est primordial pour comprendre le lien entre les propriétés collectives du système nucléaire et ses degrés de liberté microscopiques, neutrons et protons.
Illustration des formes coexistantes calculées pour 98Kr (calculs : CEA DAM – Bruyères-le-Châtel)
Jusqu’ici, la chaîne des Krypton (Z=36), étudiée jusqu’à 96Kr avec exactement 60 neutrons semblait marquer un point d’arrêt à cette transition, sans signe de déformation accrue. En déterminant pour la première fois l’énergie des premiers états excités du 98,100Kr, cette expérience a montré qu’il fallait encore au moins 2 neutrons supplémentaires, soit 62 au total, pour que la déformation augmente significativement. Outre cette évolution plus progressive de la forme d’équilibre de ces noyaux, un état mesuré à basse énergie signe l’existence d’une autre configuration dont le bilan énergétique devient compétitif avec celle du fondamental. Des modèles théoriques relient la présence de ces états à la coexistence de deux formes ellipsoïdales différentes, aplatie et allongée, à basse énergie d’excitation.
Des instruments, une cible et un accélérateur à la limite des savoir-faire actuelsPour accéder à ces résultats, il a été nécessaire de produire des noyaux très riches en neutrons auprès de l’installation Radioactive Isotope Beam Factory (RIBF) du centre de recherche Nishina de RIKEN. À cet effet, environ 150 milliards de noyau d’238U par seconde ont été accélérés à 60% de la vitesse de la lumière pour entrer en collision avec une cible de béryllium. Les produits de fission de l’uranium crées lors de cette collision sont ensuite triés en vol par un spectromètre magnétique puis envoyés sur une cible secondaire cryogénique d’hydrogène liquide pour synthétiser le noyaux d’intérêt par arrachage d’un proton (ici: 99Rb(p,2p)98Kr et 101Rb(p,2p)100Kr).
Système de détection MINOS (au centre) entouré de DALI2. © Freddy Flavigny (IPNO)
Ces réactions particulières sont identifiées par la mesure de deux protons dans la chambre à projection temporelle entourant la cible épaisse (100 mm) d’hydrogène liquide du projet ERC MINOS [2], conçu par le CEA-Irfu, et la sélection magnétique du noyau d’intérêt. Enfin, la désexcitation électromagnétique quasi-instantanée de cette espèce exotique, signature des propriétés étudiées, est détectée dans l’ensemble DALI2 [3] composé de 186 scintillateurs. La combinaison de ces techniques instrumentales de pointe est cruciale pour pouvoir étudier ces noyaux jusqu’ici inaccessibles.
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