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Nouvelle scientifique
Le 9 janvier 2018
Photographier les réactions nucléaires en 3D pour mieux les comprendre
Faire une photo en haute définition des réactions nucléaires est maintenant possible avec le nouveau détecteur ACTAR TPC (ACtive TARget Time Projection Chamber) développé au GANIL (CNRS/CEA) dans le cadre d’une collaboration internationale. Le dispositif ACTAR TPC remplit deux fonctions simultanément : celle de cible et celle de détecteur. En effet, le gaz dont il est rempli constitue la cible de matière avec laquelle interagit le faisceau d’ions incident. Par ailleurs, l’ionisation de ce même gaz, par les ions projectiles et par les particules produites lors des collisions nucléaires, permet de visualiser leurs trajectoires en trois dimensions et donc de "voir" la dissociation des noyaux atomiques impliqués dans la collision.
L’électronique développée et dédiée spécifiquement à ce type de détecteur, associée à un nombre de voies très important, permet de reconstituer très précisément ces trajectoires grâce à l’acquisition de quelques 8 méga voxels (éléments de volume) jusqu’à 100 fois par seconde. En novembre 2017, ACTAR-TPC a passé avec succès les tests sous les faisceaux du GANIL et sera donc utilisé lors de la campagne d’expériences 2018 au GANIL.
Photo du dispositif ACTAR TPC avec son électronique répartie au-dessus (à gauche). Principe de fonctionnement du démonstrateur du dispositif ACTAR TPC (en haut à droite). La réaction nucléaire a lieu sur les noyaux du gaz du détecteur. Les électrons d’ionisation créés tout au long de la trajectoire des noyaux sont collectés grâce un champ électrique sur un plan pixellisé (en bas à droite). Ces pixels associés à l’électronique de lecture permettent une reconstruction en trois dimensions des réactions avec un degré accru de précision.© GANIL
Pour la première fois en 2017, la version finale du détecteur ACTAR-TPC a été installée sur une ligne de faisceau du GANIL afin de réaliser une expérience de test. Cette expérience a consisté en l’envoi d’un faisceau d’oxygène sur un gaz d’isobutane pur à basse pression. Lors des réactions entre le faisceau et la cible gazeuse, de nouvelles particules peuvent être produites. En reconstituant leurs trajectoires en 3D ACTAR-TPC permet aux chercheurs de les identifier, de les caractériser et de recueillir de nouvelles informations sur les phénomènes en jeu. Les trajectoires sont reconstruites grâce aux électrons générés par les particules lors de l’ionisation du gaz. La troisième dimension est obtenue par la mesure du temps de dérive des électrons, depuis le point où ils ont été générés jusqu’au plan du détecteur collectant les charges. Le dispositif fonctionne ainsi comme une "chambre à projection temporelle" (Time Projection Chamber ou TPC en anglais).
Reconstitution des trajectoires en trois dimensions. Pour les trajectoires représentées en nuances de jaune à rouge : la couleur indique la hauteur (Z) de la trace. Pour les trajectoires représentées en nuances de vert, bleu et rouge (sur le plan X-Y), plus la couleur est chaude, plus il y a d’électrons collectés. © GANIL
Les électrons sont ensuite collectés sur un plan pixellisé recouvert d’un détecteur Micromegas qui augmente le nombre d’électrons afin d’en améliorer la détection. La faible densité des cibles gazeuse permet de "voir" des produits de réaction de faible énergie tout en garantissant un taux de réaction important de par leur grande profondeur. Ce détecteur est donc particulièrement adapté à l’étude de noyaux radioactifs produits en faible quantité. Si le principe de fonctionnement du dispositif est similaire à celui de détecteurs déjà exploités avec succès au GANIL par le passé (cible active MAYA ou le prototype de ACTAR), la particularité du dispositif ACTAR TPC est d’offrir une meilleure résolution dans la reconstruction des trajectoires et dans l’identification des produits de réaction. Les pixels du plan de détection sont des carrés de 2 mm de côté répartis sur une surface de 25,6x25,6 cm2, pour un total de 16 384 voies de détection. Il devrait ainsi permettre d’étudier avec beaucoup plus de précision qu’auparavant les mécanismes de réaction nucléaire (transfert de nucléons, fission, fusion-évaporation…), ainsi que la structure du noyau par l’étude de tous les produits de réaction. Ce premier test confirme le bon fonctionnement du détecteur. Quatre expériences sont d’ores et déjà prévues au GANIL avec l’étude de la décroissance 2-protons (phénomène rare) du 54Zn ou encore de la structure du 18Ne (noyau d’intérêt astrophysique).
Le projet ACTAR TPCACTAR-TPC est financé dans le cadre d’un programme européen de soutien à la recherche appelé ERC (European Research Council), suite au projet déposé par G.F. Grinyer en 2014. Coordonné par le GANIL, ACTAR TPC est construit par des chercheurs et ingénieurs de l’IN2P3 et du CEA. Cet équipement sera utilisé par une collaboration internationale. Il associe différents laboratoires français (Centre d’Etudes Nucléaires de Bordeaux-Gradignan (CENBG, CNRS/Université de Bordeaux)) et étrangers (université K.U. Leuven en Belgique et Université de Santiago de Compostella en Espagne). L’électronique a quant à elle été développée au sein du projet GET qui a été financé par une bourse ANR (financement de l’Agence Nationale de le Recherche) jusqu’en 2015. ACTAR TPC a profité de ce développement dédié aux systèmes à grand nombre de voies de détection.
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