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Nouvelle scientifique

 

Le 22 mai 2018

 

 

Des noyaux magiques au cœur des supernovae

 

Une étude théorique menée par le LPC Caen1, le GANIL2, le LUTH3 et l’IFIN (Bucharest-Magurele, POB-MG6, Romania) montre que le cœur des étoiles massives dans leur phase d’effondrement est dominé par la présence de noyaux magiques très riches en neutrons. La modification des propriétés des structures nucléaires loin de la stabilité, comme il est suggéré par les expériences récentes de physique nucléaire, pourrait jouer sur cette dynamique avec des conséquences observationnelles pour les supernovae à effondrement de cœur4.

 

Il est déjà reconnu que les noyaux dits magiques, en particulier les noyaux exotiques avec 50 ou 82 neutrons, jouent un rôle essentiel dans le processus de nucléosynthèse (processus r)5 à l’origine de la plupart des éléments lourds de l’Univers. L’étude théorique menée dans le cadre du Master-Projet MAC de l’IN2P3 et soutenu par le programme COST NewCompstar de l’Union Européenne, montre que le caractère magique de certains noyaux atomiques, qui leur confère une stabilité particulière, est aussi un facteur clé qui règle la composition de la matière dans le phénomène de supernova à effondrement de cœur.

Dans la phase finale de leur évolution, les étoiles avec une masse supérieure à environ 8 fois celle de notre Soleil et ayant entièrement consommé leur combustible thermonucléaire, s’effondrent sur elles mêmes par effet de leur propre gravité. La composition du cœur de l’étoile pendant ce processus est très importante, car c’est la section efficace de capture d’électrons6 sur les noyaux présents dans la matière qui détermine la production des neutrinos qui, à leur tour, gouvernent la dynamique d’explosion de l’étoile en supernova.

 

Composition au cours du temps d’effondrement de la matière en termes de nombre de neutrons de l’espèce la plus abondante. Les lignes continues montrent un calcul qui néglige les propriétés de magicité des noyaux. Les symboles, pour lesquelles la structure en couche a été considérée, montrent que la composition varie par paliers autours des nombres magiques. (Figure issue de la deuxième publication) © DR

 

L’étude des chercheuses de l’IN2P3 et de leurs étudiants montre que l’augmentation du nombre de nucléons des noyaux pendant l’effondrement ne se fait pas de façon continue, mais progresse par paliers gouvernés par les nombres magiques des neutrons. Ces discontinuités sont d’autant plus importantes que la propriété de "magicité" est vérifiée pour les noyaux en question. Or, cette propriété bien comprise pour les noyaux stables, est encore mal connue pour les noyaux extrêmement riches en neutrons qui sont présents dans les supernovae.

La "magicité" d’un noyau atomique correspond à une énergie de liaison accrue par rapport aux noyaux voisins (en termes de nombres de nucléons). Elle se réflète donc directement sur le comportement de la masse du noyau. En utilisant plusieurs modèles de masse nucléaire qui estiment différemment l’accroissement de l’énergie de liaison, l’étude montre que le taux de capture des électrons par les noyaux peut varier de 30%, voire plus. Une fois inclus de façon cohérente dans la dynamique macroscopique de la supernova, on peut raisonnablement s’attendre à ce que des effets de cette importance, aient un impact notable sur les quantités issues de cette dynamique, notamment sur l’émission des neutrinos.

 

Distribution des espèces nucléaires en termes de nombre de protons Z et nombre de neutrons N à un temps choisi de la dynamique d’effondrement. Les lignes de niveaux en couleur dénotent les abondances. Le calcul qui ne prend pas en compte les effets de couches montre une distribution gaussienne centrée sur N=56, Z=36. La prise en compte de la « magicité » donne lieu à une distribution bimodale centrée sur les nombres magiques neutron N=50 et N=82. (Figure issue de la deuxième publication) © DR

 

La question de la persistance de la magicité des noyaux atomiques loin de la stabilité est un des axes majeurs de la recherche en physique nucléaire, et est à l’origine de nombreux programmes expérimentaux ambitieux auprès d’installations internationales et nationales. Les nouvelles installations telles que DESIR et S3-LEB au GANIL font partie de cet effort.

 

Références

  • 1) Adriana R. Raduta, Francesca Gulminelli, Micaela Oertel, Modification of magicity toward the dripline and its impact on electron-capture rates for stellar core collapse, Phys.Rev. C93 (2016) 025803
  • 2) Guilherme Grams, Simon Giraud, Anthea F. Fantina, Francesca Gulminelli, Distribution of nuclei in equilibrium stellar matter from the free-energy density in a Wigner-Seitz cell, Phys.Rev. C97 (2018) 035807

 

Notes

  • 1) Laboratoire de physique corpusculaire de Caen (CNRS/Université Caen Normandie/Ensicaen) ;
  • 2) Grand accélérateur national d'ions lourds (CNRS/CEA) ;
  • 3) Laboratoire Univers et théories (CNRS/INSU/Observatoire de Paris/Université Paris Diderot ;
  • 4) Phénomène explosive issu de l’effondrement gravitationnel d’une étoile massive ;
  • 5) Processus de capture rapide de neutrons à partir d’éléments autour du fer, probablement ayant lieu lors des explosions de supernovae et de coalescence d’étoiles à neutrons ;
  • 6) Réaction de transformation d’un proton en neutron avec émission de neutrino à l’intérieur d’un noyau atomique ; la probabilité de ce processus est quantifiée par sa section efficace, qui dépend de la structure interne du noyau.

 

Contacts chercheuses

  • Francesca Gulminelli, enseignante-chercheuse à l'Université Caen-Normandie
  • Anthéa Fantina, chercheuse au GANIL

 

Pour en savoir plus

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