Foire aux questions - Les réponses
L'énerige nucléaire
Quelles perspectives offre
la fusion nucléaire ?
Décidée en janvier 2003, la participation des États-Unis
et de la Chine au projet Iter (International
thermonuclear experimental reactor) représente un nouveau pas
en avant vers la réalisation
d’un équipement majeur dont les études préliminaires
sont menées depuis une dizaine d’années par l’Union
Européenne, le Canada, le Japon et la Russie. Ces études
se sont appuyées sur l’expertise scientifique et technologique
acquise auprès des grands équipements de fusion tels
JET (Joint european
torus, Culham, GB), JT-60 (Naka, Japon) ou TFTR (Princeton, USA). La
contribution des chercheurs européens,
coordonnée au sein du programme Fusion de l’Union Européenne,
y a été particulièrement importante. Le "Next
Step", prochaine étape dans la voie de la fusion par confinement
magnétique, consiste désormais à étudier
la physique des plasmas en ignition à l’échelle
d’un réacteur de puissance et à mettre au point
et tester les technologies spécifiques qui feront de la fusion
une source d’énergie fiable et respectueuse de l’environnement.
Pour atteindre ces objectifs, la taille et les performances d’Iter
dépasseront très largement celles de tous les équipements
existants.
Iter est un dispositif de type "tokamak", enceinte de forme
toroïdale dans laquelle un plasma de 850 m3 de deutérium
et de tritium sera confiné grâce à un système
complexe d’aimants supraconducteurs produisant un champ magnétique
atteignant 5,3 Teslas. Ce plasma devant être chauffé à plus
de 100 millions de degrés pour que les réactions de fusion
s’amorcent, il est indispensable d’éviter tout contact
entre le plasma et les parois de l’enceinte : pour ce faire,
on combine les effets des champs magnétiques créés
dans le plasma par des bobines externes et par le courant du plasma
lui-même lequel atteindra 15 millions d’Ampères
dans Iter.
Les tokamaks actuels ne peuvent fonctionner qu’en mode pulsé.
Grâce à l’utilisation d’aimants supraconducteurs
(testés en France avec Tore-supra à Cadarache) et à des
dispositifs extérieurs d’entretien du courant dans le
plasma, des décharges de 3000 s ou plus sont prévues
dans Iter (le record début 2003 est de 4 min 25 s dans Tore-Supra)
qui délivrera une puissance de fusion de 500 MW, avec un facteur
Q (rapport de l’énergie de fusion à l’énergie
reçue) égal à 10. Jusqu’à présent,
le meilleur résultat mondial obtenu est celui de JET en 1997
: tokamak européen fonctionnant à Culham depuis 1983,
JET a fourni une puissance de fusion de 16 MW lors d’une expérience
où il avait été alimenté en deutérium-tritium.
ITER "brûlera" un mélange de deutérium
et de tritium. Isotope radioactif de l’hydrogène de période égale à 12,3
ans, le tritium est actuellement obtenu dans les réacteurs de
fission. Les futurs réacteurs de puissance utilisant la fusion
devront le produire eux-mêmes par réaction des neutrons
de fusion sur du lithium contenu dans la couverture entourant l’enceinte
du plasma (lithium et deutérium sont des éléments
abondants dans la nature). Iter devra tester les premiers concepts
de couverture tritigène.
L’échelle de temps actuellement prévue pour une
mise en œuvre à grande échelle de l’énergie
de fusion est d’une cinquantaine d’année. Elle passe
par la réalisation, après Iter, d’un réacteur
de démonstration fournissant une puissance thermique de 2000
MW, avec une production nette d’électricité, une
auto-suffisance en tritium et une grande fiabilité d’opération.
Un prototype de réacteur de puissance de 1500 MWel pourrait
ensuite être construit.
Iter sera réalisé avec les aciers utilisés dans
les réacteurs à fission, dont les performances sont insuffisantes
pour un réacteur fonctionnant en continu. Le passage à l’étape
du réacteur de démonstration exigera donc la mise au
point de nouveaux matériaux capables de supporter les énormes
flux de neutrons produits par les réactions de fusion. La construction
d’une source de neutrons de haute intensité, prévue
dans le projet d’"International fusion material irradiation
facility" (IFMIF), sera alors indispensable pour tester et valider
des matériaux capables de supporter des irradiations en neutrons
du type de celles qui seront à l’œuvre dans un réacteur à fusion.
S’il existait une ferme volonté politique, accompagnée
naturellement des financements correspondants, d’avancer plus
rapidement vers une production d’énergie par la fusion,
les délais indiqués plus haut pourraient être raccourcis
: la construction d’Iter et l’avant-projet d’IFMF
pourraient progresser en parallèle et le démonstrateur
pourrait être conçu comme un prototype crédible
d’installation productrice d’électricité.
Le CEA est l’opérateur des grandes installations françaises
de fusion et propose Cadarache comme site européen possible
pour la construction d’Iter.
Pour être complet, il faut également mentionner l’autre
voie suivie actuellement pour réaliser la fusion thermonucléaire
dans des conditions contrôlées : celle du confinement "inertiel" du
plasma. Dans cette voie, les conditions de température et de
densité nécessaires aux réactions de fusion sont
obtenues en déposant en un temps très bref une grande
quantité d’énergie sur une micro-cible D-T (deutérium-tritium) à l’aide
de plusieurs faisceaux laser convergents très intenses. L’utilisation
de cette voie pour la production d’énergie à grande échelle
n’a pas encore fait l’objet de réalisations aussi
avancées que la voie du confinement magnétique, mais
la construction par le CEA du "Laser
MégaJoule" (LMJ),
au Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine
(Cesta) près de Bordeaux, va marquer une étape importante
dans le développement de cette voie, bien que la finalité de
l’installation soit en priorité l’étude de
la physique des très hautes températures et des très
hautes densités d’énergie et la validation des
codes de simulation des armes thermonucléaires.
petiau@in2p3.fr , 4mars 2003
Quels sont les facteurs
et causes qui ont entraîné l'explosion
d'un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl
et quels sont les sécurités et avantages que présenteront
les centrales nucléaires du futur ?
Les réacteurs de type RBMK de Tchernobyl sont des réacteurs
qui peuvent conduire à une divergence de la réaction
de fission en chaîne. En temps normal, cette réaction
est contrôlée. On utilise pour la décrire le facteur
de multiplication k qui est égal au nombre de fissions induites
par une fission précédente (via les neutrons qu'elle émet).
Si k < 1, la réaction s'arrête au bout de
quelques fissions. Si k > 1, la réaction diverge
rapidement. Si k = 1, la réaction
en chaîne est contrôlée.
Dans un réacteur nucléaire critique en fonctionnement,
k doit être égal à 1 et pouvoir diminuer dès
qu’un incident survient. Il existe de nombreux moyens d’agir
sur k lors d’un incident. Ainsi, dans les réacteurs de
type REP (Réacteur à eau pressurisée), ceux utilisés
en France, si on perd l'eau qui sert à extraire la chaleur du
cœur, k chute très vite et la réaction en chaîne
s'arrête. Mais avec les réacteurs de type RBMK de Tchernobyl,
cela n’est pas le cas : le jour de l’accident, pour diverses
raisons, l'eau est sortie du cœur ; le k a alors augmenté et
la réaction en chaîne a divergé ; cela a entraîné un énorme
dégagement de puissance qui a fait fondre le cœur. Ce
type d’accident qui est très difficilement envisageable
dans les centrales actuelles françaises, japonaises ou américaines.
Seuls la Russie et les pays de l'est possèdent des réacteurs
RBMK.
Pour les futures centrales, il est assez difficile de répondre
précisément, car de nombreux systèmes sont envisagés.
En revanche, il est certain que TOUS auront des coefficients de contre
réaction négatifs, c'est-à-dire un k qui chutera
en cas de perte du caloporteur ou d’augmentation de la température.
Les accidents les plus dangereux se situent alors réacteur à l'arrêt,
car une puissance résiduelle subsiste pendant plusieurs jours.
Par exemple, dans les réacteurs REP d'aujourd'hui, si on perd
l'eau qui extrait la chaleur, certes la réaction en chaîne
s'arrête, mais la puissance du cœur met un certain temps à diminuer.
Pendant tout ce temps, le refroidissement du cœur doit être
assuré pour éviter sa fusion. Dans les réacteurs à eau,
il s'agit de circuits de secours qui doivent fonctionner environ 12
jours, le temps que la puissance résiduelle s'évacue
toute seule par rayonnement et sans faire fondre le cœur. Pour
les systèmes du futur, tout dépend du système.
Pour les réacteurs à gaz, le combustible sera réfractaire
et acceptera des températures très élevées,
ce qui permettra sans doute d'évacuer la chaleur par rayonnement
sans l'aide d'un caloporteur de secours. Pour les réacteurs à sels
fondus dans lesquels le combustible est liquide, il est envisagé de
vidanger très vite le cœur dans des containers suffisamment
vastes pour que la puissance s'évacue par rayonnement.
Enfin, si l’on veut vraiment utiliser un combustible qui n'a
pas de bons paramètres de sûreté (augmentation
de k avec la température par exemple), comme des déchets
d'actinides mineurs que l'on voudrait incinérer, il n’est
pas possible d’utiliser un réacteur critique. Cependant,
on peut avoir recours à un réacteur sous critique (k < 1,
la réaction en chaîne ne s'entretient pas) couplé à une
source externe de neutrons. La question de l'évacuation de la
puissance résiduelle reste alors entier, mais on a réglé le
problème des coefficients de température ou de vide.
Ces systèmes sont assez complexes et devraient être réservés à un
usage restreint comme l'incinération de déchets.
sdavid@ipno.in2p3.fr, 16 décembre 2002
Comment fonctionne la bombe à hydrogène
?
La bombe H utilise principalement comme source d'énergie la
fusion de deux isotopes lourds de l'hydrogène (deutérium
2H, et tritium 3H). Mais ces deux noyaux étant chacun porteur
d’une charge positive, ils se repoussent. Pour les faire fusionner,
il faut donc leur communiquer une très grande vitesse donc une
très grande température. Pour cela, on les comprime en
déclenchant au préalable une réaction de fission.
Trois étapes sont finalement nécessaires : un explosif
déclenche la réaction de fission en comprimant le matériau
fissile (uranium ou plutonium), cette réaction de fission "primaire" comprime
alors le deutérium et le tritium, ce qui déclenche la
réaction de fusion "secondaire". Cependant, le deutérium
et le tritium étant gazeux et le tritium, dont la demi-vie est
de 12 ans, devant être fabriqué artificiellement, on résout
ces deux problèmes en utilisant en fait un composé chimique
solide de deutérium et de lithium 6 (LiD). Les neutrons émis
par la fission transforment alors le lithium 6 en tritium : 6Li + n → 3H
+ 4He + Énergie. Grâce à la haute température
générée par la fission, le tritium ainsi créé fusionne
immédiatement avec le deutérium présent en abondance
dans le composé solide LiD : 3H + 2H → 4He + n + 17.6
MeV. Les particules alpha (4He) créées contribuant à chauffer
de nouveau les réactifs, les neutrons peuvent continuer à transformer
le lithium en tritium.
Pour plus de détails :
– sur le phénomène de fusion et de fission :
http://www.cea.fr/fr/pedagogie/FusionFission/index.html
– sur les armes nucléaires :
http://www.fas.org/nuke/intro/nuke/design.htm
http://www.barryrudolph.com/pages/atomic.html
http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/nucene/bomb.html
http://muller.lbl.gov/teaching/Physics10/chapters/6-NuclearWeapons.html
thibault@csnsm.in2p3.fr, 19 février 2004